Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île Thierry Laverne, novembre 2017
Suite et fin
6 L’ÎLE DU LEVANT VISIBLE & SECRÈTE, VISION & PERSPECTIVES NOUVELLES
Héritée d’une vision humaniste, rejointe désormais par les nouvelles valeurs et enjeux de société, l’île du Levant bénéficie encore au sein de l’archipel et du Parc naturel, d’une réputation, d’une visibilité et d’une audience particulière, liées à la mémoire de son projet historique.
Cet engouement particulier pour l’île du Levant est à la fois une chance et une responsabilité. C’est une chance qui guide et impose l’exemplarité de son projet et l’oblige à la réussite. C’est une responsabilité qui lui assigne aussi des obligations, afin de tenir ses promesses, résister à sa densification et à sa fréquentation et continuer à motiver et à répondre aux attentes de ses habitants et visiteurs.
Mais au delà de ses responsabilités indiscutables, par sa condition d’île, par l’histoire et la dimension humaniste de son projet, et par son appartenance à l’archipel et au parc national de Port Cros, l’île du Levant a la capacité de promouvoir et développer un projet exemplaire.
Dans le village du Levant une conscience nouvelle des habitants émerge et énonce la responsabilité de la
communauté, sur les conditions d’avenir de l’île et sur son projet collectif. Ce regain d’intérêt fait converger aussi sur l’île, des regards, des intérêts et des moyens nouveaux.
- Emergence d’une conscience nouvelle des levantins
- Extension du Parc national de Port Cros et Charte du parc
- Plan paysage de l’archipel et de l’île du Levant
- Etude paysagère du vallon de l’Ayguade
- Adhésion de l’île du Levant au programme SMILO
Cette coïncidence opportune entre différents points de vue et niveaux d’intérêt sur le projet de l’île du Levant, constitue un moment propice pour définir et adhérer à une vision de long terme, rassembler sur un projet d’avenir et mettre en œuvre des actions concrètes qui témoignent du sens, de la pertinence, de l’intérêt et de la réalité de ce projet.
Elle peut être aussi l’occasion de projeter un nouvel avenir à l’île du Levant, redéfinissant ses limites avec son territoire occupé et les relations entre la part visible et la part secrète de l’île, et réinterrogeant le sens et le temps d’une nouvelle unité.
Compte-rendu de production du studio H21 Master 1&2, Habiter avec la nature, dirigé par Florence Sarano, de l'Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Marseille, en partenariat avec le Parc ...
Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île Thierry Laverne, novembre 2017
5 INTERET PUBLIC / PROJETS PRIVÉS
Du lotissement au village un projet de jardins privés, d’intérêt public
Le lotissement du Levant est un lotissement privé, très largement dépourvu d’espaces publics. Il doit en conséquence principalement compter sur les parcelles et propriétaires privés, pour restaurer la nature de l’île et raviver ainsi l’esprit originel du jardin qui avait fondé le projet rêvé de l’île et rassemblé les levantins.
Cette restauration paysagère et naturelle suppose de rétablir un rapport naturel avec le sol et avec le ciel, pour retrouver le sentiment de partager ce jardin rêvé entre ciel et mer :
- Retrouver un sol naturel et perméable étroitement associé à la culture de l’eau
- Reconstituer une canopée commune, partagée par chaque jardin effaçant la les limites de propriétés sur l’île et confondant dans la végétation, l’impact de chaque construction depuis la mer.
Ainsi la reconstitution de chacune des strates végétales arborées arbustives et herbacées et la réintroduction de la diversité des espèces caractéristiques de l’archipel du Levant qui ont pour beaucoup disparu, est indispensable pour reconstituer l’efficience de l’écosystème et du paysage naturel de l’île. Habiter et partager le jardin, suppose aussi de retrouver une densité végétale suffisante pour dépasser le sentiment de lotissement individuel et renouer avec celui de jardin habité, en réaffirmant la nécessité de la contribution de chacun et de chaque jardin individuel au projet collectif.
Il est nécessaire de dépasser la perception actuellement dominante de maisons qui occupent le balcon, à celle de maisons qui partagent et habitent le jardin collectif réuni sous la canopée naturelle de l’île. Cela suppose de redéfinir d’une part la notion de jardin individuel qui entoure et protège la maison et marque la propriété privée. Cela suppose d’autre part de recomposer des continuités végétales entre les jardins, pour effacer la perception de leurs limites respectives et recomposer de nouvelles relations ouvertes avec les
promenades. Certains jardins y réussissent, Ils peuvent être reconnus et félicités. Ils pourront ainsi servir de référence, et de démonstration des moyens à mettre en œuvre pour retrouver le sentiment de se promener au cœur du jardin habité du Levant.
Du lotissement au village : les promenades, un projet d’espaces publics
Même si les fêtes du Levant, sur la place du village sont réputées et mémorables et si le port et la cale sont animés, vivant chaque jour au rythme des navettes. … Au Levant on se croise, mais il est difficile de se réunir.
La visite du lotissement du Levant révèle en effet peu d’espaces publics et les espaces collectifs sont essentiellement constitués par l’armature des allées et escaliers qui desservent les îlots privés. Ainsi aujourd’hui
pour l’essentiel, les espaces publics ou collectifs sont réduits aux seules infrastructures de desserte et de viabilisation des espaces privés. Pourtant ces espaces partagés par les habitants et empruntés par le public, sont déterminants de l’identité de l’île et de l’expression de l’intérêt public du projet collectif qui l’anime.
Cette armature et ce réseau possèdent un véritable potentiel pour restaurer leurs valeurs de promenades ouvertes au cœur du jardin et de balcon exceptionnel sur la mer et l’archipel. Vitrines révélant la nouvelle nature de l‘île et exposant son projet de jardin habité, les promenades doivent redéfinir de nouveaux modes de partage de l’espace et de nouvelles relations avec l’espace privé, afin de dépasser la perception souvent négative de lotissement servant des intérêts individuels, pour imposer le sentiment de jardin habité et de
village réunissant l’ensemble des levantins autour d’intérêts communs.
Même s’ils sont comptés, ces espaces d’intérêt public doivent à la fois révéler et valoriser leur incroyable potentiel et accueillir l’ensemble des enjeux auxquels ils devraient satisfaire, afin de reconquérir et assumer leur rôle d’armature paysagère et naturelle de l’île. Par leur expression, par le choix de leurs matériaux, et de leurs plantations, par la perméabilité de leurs sols et par leur responsabilité dans la collecte des eaux de pluie par exemple, ces espaces publics et collectifs doivent produire l’armature du projet de renouvellement
du paysage de l’île. Expérimentation et modèles, les promenades doivent témoigner de la nouvelle vision du jardin partagé du Levant, qui rassemble ses habitants et doivent être aussi les moteurs du renouvellement paysager des espaces privés de l’île.
En complément de cette armature de promenades à restaurer, six espaces publics majeurs concentrent l’activité de l’île et doivent trouver chacun l’expression de leur contribution singulière à son projet collectif.
- Le port, espace d’accueil et de rencontre
- Les plages, espaces de destination
- La réserve naturelle, espace refuge et référence paysagère
- La place du village espace de rendez vous et d’échange
- Le grand escalier espace solaire de mise en scène
- Le vallon et la montée de l’Ayguade promenade naturelle et villageoise.
Le Jardin du vallon de l’Ayguade
Parmi les principaux espaces publics du Levant, le vallon de l’Ayguade fait l’objet d’un projet de restauration –
recomposition. A la fois espace de lisière avec le territoire naturel de l’île, espace de clôture avec le site inaccessible de l’armée et espace de promenade qui accompagne les visiteurs depuis le port jusqu'à la place du village, le vallon de l’Ayguade constitue un espace stratégique dans la composition, le fonctionnement et la perception de l’île.
Sa géographie accentuée et sa dimension naturelle, font du vallon de l’Ayguade, un des rares espaces publics où s’exprime potentiellement la nature de l’île. Parfois naturel et à l’image d’un jardin, souvent abandonné ou occupé par des emprises et activités privées, réduit localement à une haie bordant la clôture grillagée du site militaire, le vallon ne possède pas une présence suffisante et n’offre pas une image unitaire à la mesure de la place qu’il occupe dans la perception de l’île.
Longé par la montée minérale et les constructions et soutènement des jardins privés qui la bordent, le vallon est étroitement lié à la présence et à la perception de cette proximité et de ce vis à vis. Trop étroit et décousu c’est avec la montée minérale et les constructions riveraines d’une part et avec la renégociation parfois de sa limite avec l’armée, que le vallon de l’Ayguade doit inventer un projet d’ensemble et à la bonne dimension.
C’est ainsi qu’il retrouvera un rôle écologique et une valeur de paysage, à la mesure de la place qu’il occupe et de la valeur d’exemple qu’il doit jouer dans la réparation de l’image et du paysage du village.
Le ruisseau qui emprunte et a creusé le vallon, constitue le principal acteur de la reconquête écologique et paysagère de l’Ayguade. La gestion de ses évènements hydrauliques irréguliers est aussi la condition première de ce projet. C’est donc au travers d’un projet de gestion naturelle des contraintes hydrauliques du ruisseau qu’il s’agit de réinventer le jardin linéaire de l’Ayguade. Cependant le siège de ce projet ne peut être réduit aux seules emprises du vallon naturel, même libéré progressivement des espaces et activité privées qui l’encombrent… C’est un projet d’ensemble qui peut recomposer l’armature urbaine naturelle et paysagère du vallon de l’Ayguade. Depuis le jardin vertical des rives construites de la montée, jusqu’à la lisière renégociée avec l’espace naturel et inaccessible de l’armée, il s’agit d’aménager un projet unitaire de jardin linéaire, mutualisant les emprises disponibles et recomposant harmonieusement les fonctions urbaines, naturelles et hydrauliques nécessaires de ce jardin d’essais et de démonstration de la nouvelle nature de l’île.
Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île Thierry Laverne, novembre 2017
4 HABITER - CULTIVER – RELIER, LE JARDIN HABITE ET NOURRICIER DU LEVANT
Habiter, Cultiver, Relier, ces trois verbes conjuguent les enjeux nécessaires au développement durable de l’île du Levant, afin de renouveler et partager au travers de son projet de jardin, les valeurs d’urbanité de l’île, de restauration naturelle de son écosystème et de responsabilité alimentaire de ses habitants :
- Habiter et partager le jardin plutôt qu’occuper l’île et donner du sens à l’ensemble par la présence de chacun et partager un nouveau mode de vie solidaire entre l’ensemble des habitants résidants usagers et visiteurs de l’île ; Maîtrise du nombre des constructions, place, distance et rapport entre elles et avec l’ensemble (espace et paysage, mimétisme, emprunter, se glisser, partager…) Procédés constructifs (matériaux économes et renouvelables, gestion du chantier) Rapport au sol (fondations, imperméabilisation…) Impact sur le milieu et la planète (eau, assainissement, énergie…)
- Cultiver le jardin naturel et développer le jardin nourricier afin de de redonner à la nature et à l’agriculture une place suffisante et indispensable sur l’île du Levant. Ce projet est nécessaire pour ancrer concrètement ces responsabilités environnementales et alimentaires, comme condition de nouveaux modes de vie quotidiens heureux des levantins et comme motivation supplémentaire de ses visiteurs. Développer un projet végétal et de biodiversité, capable de restaurer la nature et le paysage de l’île et définir des conditions de gestion naturelle de la ressource en eau et de la biodiversité, afin de restaurer son écosystème déséquilibré
Réserver et développer des espaces de productions agricoles capables de produire des produits d’exception d’origine du Levant, qui répondent à la responsabilité alimentaire des levantins et contribuent à un nouveau rayonnement de l’île visionnaire. Diversifier le projet de l’île par son projet agricole et y développer de nouvelles solidarités, de nouvelles économies et de nouvelles proximités fécondes avec le village, au bénéfice réciproque des jardiniers et des habitants.
- Relier l’ile habitée par ses jardins et l’armature de ses promenades, privilégier la contigüité naturelle du jardin à la continuité urbaine du lotissement. Restaurer une armature d’espaces publics capables de parcourir l’ensemble de l’île, révéler la qualité de ses différentes situations et de ses paysages ; Relier les principales destinations et espaces publics majeurs de l’île ; Réunir les levantins et inspirer la restauration collective de leurs jardins privés. Renouer des relations authentiques entre l’île du Levant, l’archipel et la côte et développer des liaisons légitimes et indispensables au rattachement des levantins au reste du monde.
Nouvelle texture naturelle et nouvelle armature de Paysage
Produit par la vision hédoniste d’Héliopolis, le jardin habité du Levant a perdu son sens et l’extension du lotissement a dénaturé l’île naturelle, en réduisant le projet levantin à la seule valorisation de ses constructions privilégiées en balcon sur la mer. Mais sans la mer et sans l’île, cette situation ne serait sans doute guère plus enviable que nombre de lotissements occupant des situations analogues sur le littoral. Ainsi, afin de renouer avec les conditions originelles de son projet et ancrer les conditions de sa durabilité, le lotissement du Levant doit pouvoir restaurer à la fois, le sentiment de l’île sur laquelle il est installé et la dimension naturelle du Parc
auquel elle appartient.
Plus que par la redéfinition d’une composition paysagère exigeante et complexe, c’est à la restauration de la texture naturelle de l’île, à la renaturation modeste mais obstinée de chaque mètre carré, que la reconquête paysagère du Levant doit être consacrée. C’est en ancrant par ailleurs cette dimension naturelle comme condition indéfectible des nouveaux modes de vie des levantins, que la nature de l’île retrouvera son sens profond et sa pérennité au Levant. Ainsi, cette relation évidente qui exprime la solidarité et la dépendance entre le village et la nature de l’île est une condition déterminante de leurs durabilités respectives et de leur avenir commun.
Cependant les promenades du levant, par leur fonction d’assemblage des territoires privés et par leur situation de balcon exposant le panorama de l’archipel, le soleil et la mer, constituent aussi un élément important de la composition et de la perception paysagère de l’île. En dépassant leurs seules fonctions de desserte pour assumer l’ensemble des fonctions et enjeux d’intérêt public qui leur incombent, enjeux naturels
hydrauliques d’usage et de paysage, ce maillage de chemins et d’espaces publics peut constituer l’armature paysagère capable d’assembler, de distribuer et révéler les différents territoires et paysages de l’île.
Ainsi c’est ensemble, que la dimension naturelle de l’île restaurée dans le jardin habité, la reconquête de ses jardins nourriciers et la recomposition de l’armature de ses promenades et espaces publics, pourront produire et pérenniser le paysage de l’île. C’est à cette condition que pourra être recomposé sous la canopée reconstituée des arbres du parc naturel, le jardin partagé de l’île du Levant.
Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île Thierry Laverne, novembre 2017
3 LE JARDIN HABITÉ, VISION PARTAGÉE ET PROJET COLLECTIF DU LEVANT
Du jardin habité au lotissement du Levant
Depuis la mer ou depuis l‘île, le village du Levant offre deux visions contrastées et contradictoires.
En 1936, les 85 villas modestes économes et frugales étaient dispersées et confondues dans un site très majoritairement naturel. Le projet naturiste avait épousé le site naturel.
Aujourd’hui le paysage du Levant a changé. Le nombre de villas a décuplé, le site est occupé et le lotissement est plein comme un œuf.
Tandis que depuis chaque villa et depuis les promenades exposées en balcon sur la mer, la situation et le rapport de chacun au paysage de l’archipel sont exceptionnels, désormais depuis la mer la dimension naturelle ne résiste pas à la dimension bâtie qui domine dans la perception du paysage du levant…
Le jardin habité du Levant a finalement cédé au lotissement. Perdant peu à peu la conscience du projet d’origine et des valeurs qui l’animaient, confondant peut être aussi naturisme et héliotropisme, en grandissant le lotissement du levant a coupé ses arbres. Pour garantir à chacun le meilleur ensoleillement, sécuriser les biens et simplifier sa gestion il a renié sa nature… Ainsi, contraint désormais dans son jardin trop petit, le lotissement s’expose nu au regard sur la vitrine de l’île.
Aujourd’hui, la part de nature nécessaire au mimétisme naturiste n’est plus suffisante, au point que le lotissement efface presque la dimension de l’île et la dimension naturelle du Parc, et dément la pensée naturiste et holistique qui avait présidé à son établissement. Ainsi après la visite de Porquerolles l’île cultivée et la découverte de Port Cros l’île sauvage, l’image de lotissement exposée au visiteur depuis la mer est loin de celle à laquelle, la destination du Levant et la réputation de son projet de jardin habité, faisaient rêver.
Il est donc indispensable et urgent aujourd’hui, de développer un projet de paysage pour l’île du Levant, capable d’y réinventer le jardin originel qui avait motivé son installation et nourri son utopie, pour réconcilier enfin le bonheur vécu des habitants de l’île et le paysage perçu depuis la mer. Une île heureuse ou le bonheur de l’île, une société attachante et attachée à l’île
La rencontre avec les habitants du Levant témoigne de leur profond attachement à leur île et de leur bonheur d’y résider. Mais ce bonheur est teinté aussi d’une certaine mélancolie et du regret de ces temps passés.
Aujourd’hui la communauté se réunit et s’organise autour de la prise de conscience collective de la nécessité de renforcer la cohésion des Levantins, autour de la restauration des conditions originelles de l’île qui leur avaient valu d’y élire domicile. Ainsi au delà du cadre de vie exceptionnel dont ils bénéficient chacun, les levantins sont convaincus ensemble de l’intérêt de fonder sur un nouveau rapport responsable avec la nature et les valeurs de l’île, un projet collectif qui puisse y prolonger son mode de vie solidaire et heureux.
La restauration du paysage de l’île est à la fois l’objectif et le moyen pour y parvenir, afin que partout et pour chacun, ce bonheur d’habiter un site exceptionnel coïncide indéfectiblement avec la conscience d’en être responsables et dépendants tous ensemble.
Cependant le rythme de l’île varie et est profondément dépendant de celui des saisons. Aux 90 résidents permanents, acteurs responsables et conscients de leur responsabilité collective vis à vis du projet de l’île, succède pendant l’été l’arrivée de 1.500 à 2000 estivants, consommateurs éphémères des plaisirs de l’île. Il est indispensable de partager aussi avec ces derniers une vision unanime et de les convaincre de leur responsabilité majeure vis à vis du sens et du temps du projet de l’île et des valeurs collectives qui l’animent. Le plaisir indiscutable que l’on ressent et auquel on est invité en débarquant sur l’île du Levant est intense et
spectaculaire. Plaisir du retour et des retrouvailles, mémoire de l’île paradis qui a fait rêver le monde entier…
Mais plaisir individuel aussi au travers de la relation de chacun, avec le panorama, le soleil et la mer.
Cependant cette relation avec le paysage et la mémoire de l’île produit une telle impression persistante, qu’elle efface même la perception de la réalité concrète du village et oblitère la nécessité et l’exigence d’un projet local, indispensable à l’exemplarité de l‘île que l’on vient pourtant chercher.
Réconcilier et relier plaisir individuel face au paysage et responsabilité collective dans la production du jardin
quotidien de l’île est donc essentiel. Démontrer et promouvoir le sentiment d’appartenance au projet collectif
de l‘île est pour cette raison un des principaux enjeux du projet des Levantins. Cette condition est indispensable, afin que chacun par ses projets et ses présences même éphémères, ait la conscience de bénéficier et de devoir contribuer au bonheur et à l’intérêt de la communauté.
C’est donc à la fois à l’émergence et à l’adhésion à ce projet collectif d’une part et à l’énoncé et la mise en œuvre des conditions d’aménagement et de gestion de l’île par chacun, que doit parvenir le projet du Levant. Partager le jardin condition de l’ile et fondement du naturisme
En considérant la terre comme un « jardin planétaire », Gilles Clément (paysagiste du Jardin du Rayo)l nous invite à redéfinir notre rapport aux autres et notre responsabilité collective vis à vis de la planète… Il est cependant des territoires et des situations plus ou moins propices pour faire reconnaître et admettre cette responsabilité collective vis à vis du jardin, comme condition nouvelle et indispensable de nos modes de vie.
La finitude de l’île et l’appréhension de sa dimension microcosmique sont particulièrement propices pour apprécier cette vision nouvelle et admettre ainsi la valeur et le respect nécessaire de son écosystème, ainsi que la responsabilité île-limitée de la communauté qui l’habite dans une interdépendance indéfectible. Ces valeurs animaient déjà le projet visionnaire d’Héliopolis, et les fondements humanistes et holistiques du mode de vie poursuivi à l’origine par les inventeurs et les pionniers de cette aventure.
Ainsi parce que c’est une île et parce que c’est Héliopolis l’exigence et le plaisir de partager le jardin (effacés par le lotissement), doivent être ravivés, c’est indispensable…
Mais à Héliopolis, « un village expérimental devenu un jardin d’essais » c’est plus facile et c’est possible.
Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île Thierry Laverne, novembre 2017
2 RECONNAISSANCE COLLECTIVE ET EMERGENCE D’UN PROJET COMMUN
• Le paysage : héritage, témoin et production en cours
Le paysage est à la fois l’héritage le témoin et le produit d’un projet de société sur un territoire. Cette reconnaissance permet de dépasser l’attitude passive d’observateur distant du paysage, pour adopter celle d’acteur responsable, impliqué dans sa production et sa valorisation.
Si l’on est convaincu que le paysage est produit par les projets en cours sur un territoire, on reconnaît alors la
responsabilité de la collectivité en charge de ces projets. Ainsi le paysage ne relève ni du bien privé, ni du bien public et n’échappe pas à la notion de projet ni à la nécessité de réunir les membres de la collectivité responsable et dépendante de sa production, autour d’une vision commune et d’objectifs partagés.
La notion de « bien commun paysager » permet de préciser et partager la responsabilité de chacun dans la production du projet d’intérêt commun sur un territoire. L’existence d’un bien commun paysager suppose trois conditions essentielles :
- La reconnaissance d’un lieu un site un territoire pour ses valeurs patrimoniales et de services et pour la qualité de ses paysages
- Ce lieu ce site ou ce territoire doit être perceptible, visible, localisable et accessible ;
- Une gouvernance publique ou privée doit confirmer que ce lieu (ses valeurs ses ressources et ses paysages) est la condition d’existence du groupe • « L’appropriation du territoire » comme condition de son avenir
La reconnaissance et l’appropriation quotidienne des qualités et valeurs originelles de l’île et de ses enjeux d’avenir par ses résidents et usagers et par l’ensemble de ses visiteurs, constitue une condition essentielle de l’avenir et de sa durabilité, au travers du développement de nouveaux modes de vies indispensables au bonheur des levantins.
Ainsi, au delà des valeurs de cadre de vie reconnues de ce territoire auxquelles pourraient être réduits ses enjeux environnementaux et de paysage, comme des variables d’ajustement ou des valeurs d’accompagnement du projet du village, le projet du jardin habité du Levant doit permettre de rassembler l’ensemble des responsables, des acteurs et des habitants du village autour de la notion de mode de vie qui
les implique chacun individuellement, dans leurs responsabilités professionnelles ou électives et dans leur vie
quotidienne. • Le village et l’île du Levant « Bien commun paysager »
La notion de bien commun paysager fournit à la fois un argument puissant et un outil efficace de reconnaissance et de partage des conditions de l’île du Levant et de la nécessité de son projet. En effet si le paysage est coproduit par tous et appartient à tous, sa reconnaissance implique chacun individuellement et ensemble (dans sa responsabilité, sa compétence ou sa jouissance), dans sa production sa gestion et son partage.
Ainsi, sur le territoire fini de l’île, le paysage ne doit pas être célébré seulement comme un ailleurs dépaysant mais distant, composé par l’horizon superbe mais inaccessible de l’archipel. La reconnaissance collective de la responsabilité de chacun sur le paysage produit de l’île doit être évidente et indiscutable. En reconnaissant alors le paysage comme le bien commun des levantins, cette responsabilité impose l’énoncé, l’adhésion et la mise en œuvre d’un projet collectif, comme condition indispensable d’un avenir commun…
De la même manière vis à vis des deux autres îles et de l’archipel, cette responsabilité du Levant et des levantins est également déterminante. En réconciliant simplement et en tout point par le projet de paysage, l’urbanité du village avec la nature profonde du parc naturel, le projet collectif de l’île du Levant constitue aussi une opportunité unique, pour démontrer et convaincre de l’intérêt et de la capacité de réconcilier durablement pour le bonheur des habitants, urbanité et naturalité sur l’ensemble du Parc national de Port Cros.
Fondé sur la reconnaissance indiscutable des qualités et des ressources de l’île et de la valeur patrimoniale de ses paysages, le projet du Levant doit répondre notamment aux trois enjeux suivants :
- Reconnaître, composer ensemble et réussir la cohésion entre les enjeux et valeurs naturelles, agricoles et d’urbanité de l’île du Levant, capable d’inventer un nouveau mode de vie levantin ;
- Développer un dialogue intense et ouvert pour définir ensemble les conditions d’avenir de l’île et réfléchir aux actions à mettre en place pour y parvenir, en témoigner et la valoriser ;
- Inventer une gouvernance particulière rassemblant responsables, les acteurs, les habitants et usagers de l’île, de l’archipel et du Parc, autour du même projet.
Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île Thierry Laverne, novembre 2017
1 L’ARCHIPEL L’ILE, & LE VILLAGE DU LEVANT Le rayonnement de l’archipel du Levant
Face à la terre, l’archipel du Levant constitue un ailleurs dépaysant et mémorable. Les îles de Port-Cros, Porquerolles et du Levant, comptent parmi les destinations les plus emblématiques et convoitées de France, tant la dimension onirique des îles, la dimension paysagère de l’archipel et la dimension naturelle du Parc National de Port Cros, trouvent ici par leur coïncidence particulièrement intime, une résonnance exceptionnelle dans l’imaginaire des visiteurs.
Visibles depuis la côte, les îles font rêver le littoral. Depuis la terre, l’archipel compose un horizon familier, qui participe de l’identité et de l’attractivité de ce territoire varois et rayonnent à l’échelle de l’ensemble de l’Arc méditerranéen. Les îles sont une chance pour la terre. L’île un modèle pour la terre
Depuis l’extension du parc national de Port Cros au littoral terrestre, le vis à vis entre les îles et la terre fonde et concrétise l’émergence d’une conscience nouvelle. Elle resitue la mer à la fois au centre de cette dimension nouvelle du parc naturel et au cœur des relations nouvelles établies entre les îles et la terre. Ainsi cette dimension qui redéfinit la mer comme le jardin de la terre, projette aussi les îles et la côte dans une nouvelle relation solidaire, responsable de la cohérence et du rayonnement de l’ensemble.
Désormais, à partir de la reconnaissance des conditions et de la valeur d’exception de l’île, peut être redéfinie sa valeur d’exemple pour la terre. Ainsi, il en va de la terre comme des îles, chaque territoire responsable, doit à la fois reconnaître sa capacité limitée et sa responsabilité illimitée, afin de définir les
conditions de sa durabilité et de sa résilience, mais aussi sa solidarité, ses relations et son rôle avec et vis à vis de l’ensemble. Les trois îles, l’archipel et la mer
Au sein de l’archipel du Levant, chaque île occupe une place et joue un rôle particulier :
- L’ile de Porquerolles, île habitée cultivée, reliée et visitée
- L’île de Port-Cros, île témoin, référence naturelle, protégée
- L’île du Levant, île à l’écart, réservée à l’armée au naturisme et à la villégiature
Ainsi chaque île possède des particularités qu’elle doit cultiver, mais possède aussi la responsabilité de partager une parenté indiscutable avec les autres, indispensable pour composer l’assemblage savant sur lequel repose l’identité particulière de l’archipel du Levant. Au cœur de cette relation, la place et le rôle
donnés à la mer sont déterminants aussi de la cohérence, de l’unité et de la cohésion de l’archipel. L’île et le village du Levant
Parmi les trois iles de l’archipel, l’île du Levant occupe par sa situation, ses conditions et son histoire, une place et un rôle à part.
Majoritairement occupée par l’armée et inaccessible à 93%, elle est habitée sur sa pointe ouest par un lotissement. A la manière d’un iceberg ce quartier qui ne représente que 7% de la surface de l’île, en constitue la partie émergée et visible. Ainsi le lotissement du Levant constitue la façade et la vitrine de l’île.
Représentation de l’île, le lotissement a seul la responsabilité de la perception de l’ensemble de l’île et de sa contribution effective à l’image, à la cohérence et à la crédibilité du projet naturel et au paysage de l’archipel.
Ile dans l’ile, le village doit trouver sur son territoire les conditions de sa durabilité. C’est donc sur son site contraint et très majoritairement urbanisé, que le village doit trouver par son projet, la part et le sens de la nature indispensable à sa meilleure insertion dans le paysage de l’archipel, et démonstrative de sa contribution effective à l’écosystème et au projet unitaire auquel il appartient et dont il dépend.
Privé de son île et adossé à son territoire inaccessible, le village sans terre se libère par la mer. Réuni sur sa proue, le village scrute l’horizon comme une vigie et entretient des relations indispensables et exclusives avec la mer et avec le vis à vis naturel de l’île de Port Cros. A sa manière et à son échelle, ce voisinage entre le Levant et Port Cros projette et met en scène la mer comme la jardin de la terre. Héliopolis projet historique et vision nouvelle
Hérité de la vision holistique du projet historique des frères Durville, Héliopolis village naturiste est devenu lotissement. Peu à peu, il a perdu le sens de son projet et des valeurs de l’île, qui avaient initialement motivé son installation au Levant. Dépourvu d’espaces publics, le lotissement doit donc compter exclusivement sur l’émergence d’une conscience collective de ses propriétaires et habitants, responsables ensemble de raviver le sens de son projet. C’est donc ensemble que les Levantins doivent trouver les réponses aux questions légitimes qu’ils se posent, en termes de responsabilité, de durabilité, de partage et de paysage, afin qu’à nouveau ici, les valeurs et ressources de l’île ne constituent pas seulement un cadre de vie dont chacun bénéficie individuellement, mais fonde un nouveau mode de vie dans lequel tous ensemble et chacun se sente personnellement impliqué, dans ses activités ses responsabilités et sa vie quotidienne.
Ainsi Le Levant et les Levantins retrouveront par cette coïncidence étroite renouvelée entre valeurs de nature, valeurs sociales, valeurs culturelles et de paysage, les conditions initiales qui avaient prévalu à son projet et s’étaient peu à peu effacées. Cette émergence nouvelle permettra alors de réunir à nouveau simplement et naturellement habitants permanents, saisonniers et estivants, autour de valeurs communes et d’objectifs partagés, auxquels chacun adhère et accepte de contribuer, comme condition commune de l’excellence et de la poursuite de leur projet collectif. à suivre
19/10/2017 Avec Maxime Prodromidès, président du CESC, Thierry Laverne, Architecte paysagiste, Laurence Bonnamy, Responsable du service aménagement, architecture et paysage PnPC, Claire MIGNET. ...