L’ILE DU LEVANT ET L’ARCHIPEL : JARDIN NATUREL, HABITE & CULTIVÉ 3/6
Publié le 12 Octobre 2025
Le partage du jardin, nouvelle condition de l’île
Thierry Laverne, novembre 2017
3 LE JARDIN HABITÉ, VISION PARTAGÉE ET PROJET COLLECTIF DU LEVANT
Du jardin habité au lotissement du Levant
Depuis la mer ou depuis l‘île, le village du Levant offre deux visions contrastées et contradictoires.
En 1936, les 85 villas modestes économes et frugales étaient dispersées et confondues dans un site très majoritairement naturel. Le projet naturiste avait épousé le site naturel.
Aujourd’hui le paysage du Levant a changé. Le nombre de villas a décuplé, le site est occupé et le lotissement est plein comme un œuf.
Tandis que depuis chaque villa et depuis les promenades exposées en balcon sur la mer, la situation et le rapport de chacun au paysage de l’archipel sont exceptionnels, désormais depuis la mer la dimension naturelle ne résiste pas à la dimension bâtie qui domine dans la perception du paysage du levant…
Le jardin habité du Levant a finalement cédé au lotissement. Perdant peu à peu la conscience du projet d’origine et des valeurs qui l’animaient, confondant peut être aussi naturisme et héliotropisme, en grandissant le lotissement du levant a coupé ses arbres. Pour garantir à chacun le meilleur ensoleillement, sécuriser les biens et simplifier sa gestion il a renié sa nature… Ainsi, contraint désormais dans son jardin trop petit, le lotissement s’expose nu au regard sur la vitrine de l’île.
Aujourd’hui, la part de nature nécessaire au mimétisme naturiste n’est plus suffisante, au point que le lotissement efface presque la dimension de l’île et la dimension naturelle du Parc, et dément la pensée naturiste et holistique qui avait présidé à son établissement. Ainsi après la visite de Porquerolles l’île cultivée et la découverte de Port Cros l’île sauvage, l’image de lotissement exposée au visiteur depuis la mer est loin de celle à laquelle, la destination du Levant et la réputation de son projet de jardin habité, faisaient rêver.
Il est donc indispensable et urgent aujourd’hui, de développer un projet de paysage pour l’île du Levant, capable d’y réinventer le jardin originel qui avait motivé son installation et nourri son utopie, pour réconcilier enfin le bonheur vécu des habitants de l’île et le paysage perçu depuis la mer.
Une île heureuse ou le bonheur de l’île, une société attachante et attachée à l’île
La rencontre avec les habitants du Levant témoigne de leur profond attachement à leur île et de leur bonheur d’y résider. Mais ce bonheur est teinté aussi d’une certaine mélancolie et du regret de ces temps passés.
Aujourd’hui la communauté se réunit et s’organise autour de la prise de conscience collective de la nécessité de renforcer la cohésion des Levantins, autour de la restauration des conditions originelles de l’île qui leur avaient valu d’y élire domicile. Ainsi au delà du cadre de vie exceptionnel dont ils bénéficient chacun, les levantins sont convaincus ensemble de l’intérêt de fonder sur un nouveau rapport responsable avec la nature et les valeurs de l’île, un projet collectif qui puisse y prolonger son mode de vie solidaire et heureux.
La restauration du paysage de l’île est à la fois l’objectif et le moyen pour y parvenir, afin que partout et pour chacun, ce bonheur d’habiter un site exceptionnel coïncide indéfectiblement avec la conscience d’en être responsables et dépendants tous ensemble.
Cependant le rythme de l’île varie et est profondément dépendant de celui des saisons. Aux 90 résidents permanents, acteurs responsables et conscients de leur responsabilité collective vis à vis du projet de l’île, succède pendant l’été l’arrivée de 1.500 à 2000 estivants, consommateurs éphémères des plaisirs de l’île. Il est indispensable de partager aussi avec ces derniers une vision unanime et de les convaincre de leur responsabilité majeure vis à vis du sens et du temps du projet de l’île et des valeurs collectives qui l’animent. Le plaisir indiscutable que l’on ressent et auquel on est invité en débarquant sur l’île du Levant est intense et
spectaculaire. Plaisir du retour et des retrouvailles, mémoire de l’île paradis qui a fait rêver le monde entier…
Mais plaisir individuel aussi au travers de la relation de chacun, avec le panorama, le soleil et la mer.
Cependant cette relation avec le paysage et la mémoire de l’île produit une telle impression persistante, qu’elle efface même la perception de la réalité concrète du village et oblitère la nécessité et l’exigence d’un projet local, indispensable à l’exemplarité de l‘île que l’on vient pourtant chercher.
Réconcilier et relier plaisir individuel face au paysage et responsabilité collective dans la production du jardin
quotidien de l’île est donc essentiel. Démontrer et promouvoir le sentiment d’appartenance au projet collectif
de l‘île est pour cette raison un des principaux enjeux du projet des Levantins. Cette condition est indispensable, afin que chacun par ses projets et ses présences même éphémères, ait la conscience de bénéficier et de devoir contribuer au bonheur et à l’intérêt de la communauté.
C’est donc à la fois à l’émergence et à l’adhésion à ce projet collectif d’une part et à l’énoncé et la mise en œuvre des conditions d’aménagement et de gestion de l’île par chacun, que doit parvenir le projet du Levant.
Partager le jardin condition de l’ile et fondement du naturisme
En considérant la terre comme un « jardin planétaire », Gilles Clément (paysagiste du Jardin du Rayo)l nous invite à redéfinir notre rapport aux autres et notre responsabilité collective vis à vis de la planète… Il est cependant des territoires et des situations plus ou moins propices pour faire reconnaître et admettre cette responsabilité collective vis à vis du jardin, comme condition nouvelle et indispensable de nos modes de vie.
La finitude de l’île et l’appréhension de sa dimension microcosmique sont particulièrement propices pour apprécier cette vision nouvelle et admettre ainsi la valeur et le respect nécessaire de son écosystème, ainsi que la responsabilité île-limitée de la communauté qui l’habite dans une interdépendance indéfectible. Ces valeurs animaient déjà le projet visionnaire d’Héliopolis, et les fondements humanistes et holistiques du mode de vie poursuivi à l’origine par les inventeurs et les pionniers de cette aventure.
Ainsi parce que c’est une île et parce que c’est Héliopolis l’exigence et le plaisir de partager le jardin (effacés par le lotissement), doivent être ravivés, c’est indispensable…
Mais à Héliopolis, « un village expérimental devenu un jardin d’essais » c’est plus facile et c’est possible.
à suivre
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