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Publié le 12 Janvier 2024

Riccardo di Sangro,
impressions d'un séjour lors de l'été 2023

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Heri et Hodie 3/3

 Je divague et je reviens à la subtilité à laquelle je faisais allusion.
 L’île est un monde à part, c’est vrai, mais elle fait, d’une manière ou d’une autre, partie du même univers, susceptible donc aux humeurs générales. La tendance actuelle, dans la plupart des pays de cette Europe occidentale, est orientée vers une sorte de retour à l’ordre. De plus en plus les gens ressentent cette liberté sans bornes comme un excès, une exubérance dépassant toute possibilité de frein. Le problème couvre des dimensions vastes bien lointaines de mes petites ambitions de vacancier. J’essaie donc de le cerner aux impressions reçues en participant à la vie de l’île cet été.
 Face à l’hilarité, la joie de vivre dominant un peu partout, dans les échanges amicaux quand on se croise dans les sentiers, dans la variété des paréos et de n’importe quel type de cache-sexe inventé, dans la sympathie qu’on respire dans les commerces, restaurants, hôtels et notamment dans les soirées de fêtes dansantes, j’ai remarqué en opposition une volonté de résistance, une sorte de désir plus ou moins bien caché d’intervenir pour réduire, pour se plier à des mesures plus convenables, pour revenir à une soi-disante décence. 
 Face à cela et, dans une certaine mesure d’opposition, l’autre attaque : le libertinage. Le goût de tout éprouver dans l’ordre de la sexualité. L’échangisme se répand dans plusieurs endroits du monde, l’île ne pouvait pas rester étrangère.
Tout en étant sensible à l’ouverture à toute forme de plaisir à la seule condition du partage volontaire et tout en considérant comme plus conciliable avec l’esprit de l’île ce dernier aspect, je trouve que ces lieux strictement réservés apparaissent comme des enclaves inaccessibles : les règles d’accès prévoient des exclusions.  Ce qui me paraît en contraste avec l’esprit d’origine : le partage de tous les espaces. Se trouver dans nos promenades sur les sentiers bord de mer face à une porte fermée empêchant le passage à la corniche supérieure, crée une certaine gêne et on se sent mal à l’aise là où tout est ouverture, partage, câlinerie. 


 Un spectacle toutefois marque la différence et invite à l’optimisme : la danse. Que ce soit sur la place Durville face à la Pomme d’Adam ou sur la dalle du port lors de La nuit des étoiles la joie explose. Les D.J. dosent sagement les rythmes, d’abord plus modérés pour impliquer les plus petits, au fur et à mesure toujours plus envoutants carrément séduisants jusqu’à l’apothéose d’une atmosphère où des gens qu’on dirait ensorcelés se pressent les uns contre les autres dans leurs déguisements fantaisistes et colorés imprégnés de sueur et de bien-être. Indépendantes, les jambes bougent toutes seules, les yeux croisent d’autres yeux d’inconnus, bras, mains, têtes suivent des parcours à chaque fois nouveaux. Rester assis ou immobile ? Impossible ! Des danseurs improvisés occupent tous les espaces, on se laisse abandonner joyeusement à une force irrésistible, indomptable…
 Voyant ce spectacle où des hommes embrassent d’autres hommes dans la beauté de corps jeunes et sculptés on se demande si, là où le côté féminin présent dans chacun, prend le relais la violence innée misérablement dans la masculinité pourrait être réduite voire disparue.

Riccardo de Sangro


Ile du Levant, août 2023
 

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Rédigé par HODIE

Publié dans #Artistes-Ecrivains, #Ile du Levant, #Riccardo di Sangro

Publié le 7 Janvier 2024

Riccardo di Sangro,
impressions d'un séjour lors de l'été 2023

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Heri et Hodie 2/3

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 Bien des années passèrent où les contraintes du quotidien forcèrent aux choix raisonnables, carrière, paternité, vie sociale, et l’emportèrent sur toute velléité imaginative.           Pourtant le rêve de cette île dont le récit m’avait si profondément touché, résistait quelque part, caché.
 Bien plus tard, en vacances avec une amie à Boulouris, je lui propose une excursion au Levant – c’est bien d’elle que je parle – qui n’est pas trop loin. Une heure de voiture et on est au Lavandou. Elle résiste, j’insiste, rien à faire ! Je pars seul, je ne pouvais pas laisser passer l’occasion. Je gare en vitesse la voiture au port du Lavandou au risque d’un PV. Embarquement, traversée d’une petite demi-heure et me voilà arrivé !


 Ce fut mon premier contact : J’ai vécu ces premières heures de la matinée et de l’après-midi, comme hypnotisé. Un bien-être inconnu et répondant exactement à des exigences latentes comme si tout mon être attendait depuis toujours dans les profondeurs d’un espace inexploré la révélation de ce dont il pressentait l’existence.
 J’y revins ! A intervalles irréguliers pendant longtemps : une semaine, dix jours pas plus, à chaque fois le cœur oppressé par la peur de ne plus y revenir. Et à chaque fois, la vue des paréos voltigeant dans l’air embaumé, l’odeur de la mer dans les narines, la vue éblouie, le plaisir du corps que tout entier le vent et l’eau caressent, sont des attraits auxquels on ne saurait plus se soustraire.

 Depuis quelques années, l’île est le site privilégié de nos vacances. Pas mal de choses ont changé dans ce long laps de temps. Des personnes avec qui j’avais échangé quelques mots de sympathie au-delà de l’échange traditionnel du bonjour, ont disparu, d’autres ont vieilli. Des villas abandonnées percent, avec leurs tuiles de brique, les branches d’arbres de jardin désormais inhospitaliers, d’autres, nouvelles, émergent dans l’enthousiasme de nouveaux propriétaires.
 Mais tout cela est dans l’ordre des choses. Quelque chose de plus subtil m’a touché dernièrement et qui donne un ressenti différent.

 L’île est depuis longtemps – tout le monde le sait – un paradis naturiste, où règne la plus grande liberté dans les façons de s’habiller ou plutôt de se déshabiller. On dirait que la règle de ne pas être obligé de cacher des parties de son corps, déclenche caprices, fantaisies, lubies dans les choix de ce qu’on endosse, pour le plaisir de montrer sans montrer, de voiler pour suggérer, de laisser transparaître sans étaler, quand on a envie d’abandonner le nu intégral. Exactement l’envers de ce que font les textiles : maillots et vêtements que la mode s’acharne à proposer d’année en année toujours plus audacieux clignant l’œil subrepticement à leurs clients potentiels prêts à rénover la garde-robe du prochain été et sûrs – mais est-ce qu’ils le sont vraiment ? N’y aurait-il pas plutôt connivence ? – d’avoir su respecter la pudeur : feindre de se couvrir, pour mieux mettre en évidence. 

à suivre...


 

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