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Publié le 21 Février 2022

Gastronomie

Comme un poisson dans l’aube

 
Tu mitonnes !
Jacky Durand
Libération du 17 février 2022

Illustration de Emmanuel Pierrot
 

Chaque jeudi, réveil des papilles et passage en cuisine. Aujourd’hui, on se lève de bonne heure et au bout du monde pour faire le pain et mariner la bonite.
Longtemps, on s’est couché tard et levé au plein midi. Vie de bouclage et d’après-bouclage. Maquette papier et tournées de houblon. Près d’un quart de siècle. A cette époque, on n’avait que faire du silence. Souvent on le méprisait. Au mieux, on l’ignorait en arpentant autour de minuit «la vis» de l’ancien parking de la rue Béranger, qui était devenu le siège parisien de Libération en 1987.
Et puis un jour, le silence nous a rattrapés dans un immense besoin de solitude et au début, sans s’en rendre compte, on s’est mis à se lever tôt. Il faut dire que la fréquentation de plus en plus assidue de nos petits bouts du monde nous a grandement aidés. Tôt comment, vous allez dire ? Forcément dans la nuit. Où ? Partout. A Paname sur le coup des trois heures du matin lors du premier confinement où l’on sirotait le mug de café soluble au-dessus des toits de Paris avant d’aller se planter au beau milieu du boulevard Beaumarchais, désert des Tartares urbains d’où l’on entrevoyait le feu follet des ambulances. Puis on s’en retournait dans notre perchoir près de la Bastoche en attendant le premier chant du merle au bout de la nuit. Mais en dépit du cri de l’oiseau, là encore on était dans la quiétude car notre silence à nous, c’est celui où les hommes se taisent.
On le savoure dans l’épaisseur des forêts vosgiennes, entre l’humus et le grès, non loin d’un étang serti dans une tourbière avec pour tout abri une maisonnette de bois où l’on rêve de raviver la braise de l’antique cuisinière avec un rondin de sapin en pleine nuit. Mais plus que tout, on aime le silence d’une île en Méditerranée. Là-bas, à une quinzaine de kilomètres de la côte où les lumières de la ville font une guirlande vacillante. Ici, point de lampadaires ou de voitures pour déchirer la fin de la nuit. Seuls le mistral et le ressac de la mer soliloquent, métronomes de la nature, ignorant superbement l’homme. Le silence de la montagne vous enveloppe. Celui de l’île vous laisse entendre que vous êtes à poil, qu’il faut se démerder tout seul. La tentation peut être grande de s’en remettre à l’addiction à la 4G des réseaux sociaux (eh oui, elle est arrivée…) ou des boissons enivrantes. Ou les deux à la fois. On sort sur la restanque pour aspirer une première bouffée d’air qui vous laisse les lèvres salées en envoyant un baiser à la lune pleine.
C’est l’instant de la naissance du pain. La farine, la levure, le sel, l’eau tiède. Pétrir encore et encore alors que monte ce parfum unique de la pâte qui rappelle celui des corps après l’amour. On la couvre délicatement avec un torchon de cuisine. Aura-t-elle commencé à lever quand surgiront les prémices de l’aube ? On met à tremper les petits haricots blancs qui feront le repas de midi. Une cuisson aussi dépouillée que sincère : une gousse d’ail et un brin de romarin du maquis avec au final, quelques grains de gros sel et un filet d’or d’huile d’olive. Uber et Deliveroo peuvent aller se faire foutre. On mangera bien meilleur à midi. Midi, façon de parler car on n’a pas d’horaires sur une île si ce n’est ceux du bateau qui rallie la côte. Tout à l’heure, on le verra poindre au loin, petite coque blanche dans les flots.
Un peu avant 7 heures, l’aube pointe, accentuant la colère de la mer qui gémit son écume blanche. A l’est, le ciel s’orange lentement, strié de délicats traits de nuages que l’on dirait dessinés à la plume. Nos songes nous emmènent vers le Levant, le cul de la Méditerranée, quelque part entre Tyr (Liban) et Fethiye (Turquie). On songe à un petit matin de thé noir et fort, après une cuite mémorable au raki, sur le pont d’Istanbul enjambant la Corne d’Or.
On divise la pâte à pain en deux pâtons que l’on voile à nouveau avec le torchon. Puis on monte sur la corniche. Dans le petit jour, on distingue les crassulas en fleurs et le jaune palissant des mimosas. Les pas crissent sur la terre avant de s’enfoncer sur un sentier incertain entre les rochers et de grosses racines. On songe aux mots de Henry David Thoreau dans Walden (1) : «Alors que je marche le long de la rive rocailleuse de l’étang, en bras de chemise bien que le temps soit frais, nuageux et venteux, et qu’autour de moi rien n’attire particulièrement ma vue, tous les éléments m’apparaissent extraordinairement familiers.»
Le vent s’époumone dans le maquis en pente. Et soudain, la mer et le ciel nous crachent leur aube en plein visage en un camaïeu de bleus qui vont de la teinte métallique des flots en d’infinies nuances de bleus pastel du ciel. Il faut encore enjamber les mamelons de la roche fauve et ferrugineuse de l’île pour atteindre notre ultime bout du monde, une crique jonchée de bois flottés où les eaux claires sont tapissées de minuscules bigorneaux. Les cormorans nous offrent un élégant ballet face à un bateau de guerre qui n’en finit pas de rouiller. Une brume légère caresse la côte et ses crêtes sombres. En arrière-plan, comme un mirage, on aperçoit une cime enneigée. Pour rien au monde, on échangerait ce bout du monde.
La lune tient encore tête au jour quand on enfourne notre pain. Il a été aussi paresseux à lever que l’on est piètre mitron. Mais il fera tout de même un petit-déjeuner acceptable avec l’ensorcelant miel corse offert par l’ami Nordine. Plus tard, dans la matinée, on frappe à la porte pour nous tendre deux belles bonites. En dépit de conseils experts, on est aussi maladroit qu’au fournil quand il s’agit de lever les filets carmin de ce poisson cousin du thon. Qu’importe, on étale sa belle chair dans un plat à four. Un jet copieux de sauce soja, un autre d’huile d’olive, le jus d’un citron vert, un pouce de gingembre, trois gousses d’ail émincées, une branchette de romarin. Le tout marine une grosse heure avant d’être enfourné à 180 degrés. La durée de la cuisson est affaire de goût. Mais vérifiez-la régulièrement au bout de dix minutes car le poisson doit rester tendre et ne pas sécher. Servez avec du riz, des pommes de terre vapeur. Vous pouvez évidemment varier cette marinade et l’appliquer à d’autres poissons.
Chaque jeudi, réveil des papilles et passage en cuisine. Aujourd’hui, on se lève de bonne heure et au bout du monde pour faire le pain et mariner la bonite.

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Publié le 20 Février 2022

 Source : Scriptorium
Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne

 

 

 

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Publié le 20 Février 2022

Sénéçon anguleux

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Albizzia à crête (Albizia lophanta)

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Rédigé par HODIE

Publié dans #La flore, #Ile du Levant, #Plantes envahissantes

Publié le 19 Février 2022

La grotte des Pierres Plates

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Rédigé par HODIE

Publié dans #La fibre, #Câbles, #Bords de mer, #Ile du Levant, #Pierres Plates

Publié le 19 Février 2022

 Source : Scriptorium
Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne

 

 

 

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Rédigé par HODIE

Publié dans #1960, #Ile du Levant, #Coupures de presse, #Le journal des 90 ans

Publié le 18 Février 2022

Rédigé par HODIE

Publié dans #ILES D'OR XIX, #AYGUADE, #Ile du Levant

Publié le 18 Février 2022

n°191 du 18 février 1932
Collection reliée d'Alain et Jean-Michel

 

 

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Publié le 17 Février 2022

Rédigé par HODIE

Publié dans #Soleil, #Crépuscules, #Ile du Levant, #Port Cros et Bagaud

Publié le 17 Février 2022

 Source : Scriptorium
Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne

A suivre ....

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Publié le 17 Février 2022

Rédigé par HODIE

Publié dans #Levant insolite, #Ile du Levant, #Rochers, #jardins