En 1958, HÉLIOPOLIS d'après le texte d'Hélène ANDRÉ

Publié le 3 Mai 2019

En 1958, HÉLIOPOLIS d'après le texte d'Hélène ANDRÉ

Un post sur Facebook du groupe "Les isles Dor Stoechades: Port Cors, Isle du Titan et Porqueroles"

HÉLIOPOLIS d'après le texte d'Hélène ANDRÉ
Editions de la Foux / Draguignan 1958

La pointe de Galère franchie, l’Île du Levant apparaît avec ses bungalows clairs, piqués ça et là dans le maquis. Voici le village naturiste: Héliopolis, en gradins sur la colline. Il s'agit bien là d'une "ville qui s'offre au soleil". Ce nom grec ne nous étonne pas. Tout ici, en effet, nous suggère, dans l'élégance et l'harmonie, la beauté et la pensée grecques.

Les chemins s'enfoncent pourtant dans la broussaille, mais cette végétation drue et basse, qui mêle bruyères, arbousiers, lentisques et cistes, est différente de celle de Port-Cros. Elle est moins "exotique".

A chaque pas, à travers les chemins bien tracés sur lesquels nous croisons parfois une jeep, les abris blancs et ocres des naturistes ne nous parlent pas d'une civilisation ordinaire : la nôtre. Ils sont plutôt là comme les témoins d'une civilisation oubliée qui remonte à des millénaires.
Un homme nu cultive son jardin. Près de lui, sa femme, nue elle aussi, épluche des légumes. Ici s'est réfugiée la vraie joie de vivre.

Nous rencontrons d'autres nudistes au hasard des chemins du village. Ces corps exposés au soleil et au regard des "civilisés" que nous sommes ne nous choquent pas. La plupart d'entre eux sont harmonieux, moulés par l'eau, le sel et le hâle qui ont encore façonné les formes souples et brillantes.

Au dessus du débarcadère, un restaurant conçu dans l'esprit provençal avec ses poutres, vernies, ses fenêtres à petits carreaux, domine l'immensité de la mer. De petites tables ajoutent à l'intimité de l'atmosphère simple et accueillante de cette pièce.

Autour du bar en arc de cercle, face à la porte d'entrée, des pécheurs vont et viennent en familiers de la maison et notre pêcheur du matin (celui qui nous a conduis de Port-Cros à l’Île du Levant) s'est transformé : il a revêtu la veste blanche du cuisinier, a préparé lui-même une langouste dont nous garderons le souvenir. C'est lui aussi qui nous servira, avec ses gestes de provençal racé, arrondis souvent en un mouvement d'offrande, toujours mesurés cependant. Il restera un moment debout, près de notre table, le regard vers le large, il nous parlera d'art et de littérature, évoquera les noms de Camus, de Malraux et cela ne nous surprendra pas. Mais il ne nous livrera pas les secrets de ses recettes de cuisine...

Il y a quelques instants, nous parcourions les chemins d'Héliopolis, semés de minéraux curieux et rares qui donnent à cette terre une singulière phosphorescence. Au retour, dans la cuisine claire du restaurant, nous avons retrouvé ce même éclat sur les écailles des poissons de roche qui ont servi à préparer le repas.

Et maintenant, au loin, le sillage d'un bateau prolonge l'éblouissement et la fragilité de nos rêves. Il traîne avec lui sur la mer les clairs enchantements de ces terres de lumières.

Rédigé par HODIE

Publié dans #Histoire, #Ile du Levant, #1958

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