Gymnosophie, Naturisme : un article de 1952 par Jean-Albert Foëx 1/2
Publié le 2 Janvier 2016
VIVRE D'ABORD XXVIe ANNÉE SÉRIE 3 N° 32/362 1952
"La Gymnosophie est un Humanisme"
DANS L'ILE DES VENUS ET DES V2
par Jean-Albert FOEX
Dans un récent numéro de Vivre d'abord ! j'essayais de développer ce point de vue : la gymnosophie est un humanisme, car je suppose que l'époque est venue où les gymnosophes doivent définir positivement leurs fins, leurs moyens, leurs progrès et leurs ambitions. Dans le monde entier, le naturisme compte en 1952 suffisamment d'adeptes pour qu'après des années de "défense passive" contre les préjugés et la sottise, l'heure ait sonné d'envisager quelque chose qui corresponde - toutes proportions gardées - à la N.E.P. soviétique ou au New-Deal américain, c'est à dire un plan d'affirmation élargie du naturisme faisant suite à la protestation naturiste contre un monde barbelé de contraintes morales et de coercitions sociales.
Il est agaçant de pouvoir difficilement réfuter l'accusation de pauvreté spirituelle et intellectuelle du naturisme, faute d'un corps de de doctrine sérieusement établi et étendu. Si c'est l'honneur de Vivre d'abord ! d'avoir voulu instituer un débat permanent sur ce sujet, il est regrettable que trop de naturistes se satisfassent des données immédiates du soleil et du nudisme et se désintéressent des véritables problèmes que soulèvent l'établissement d'un ordre naturiste et une réelle maîtrise naturiste de l'esprit.
L'EXPERIENCE DU LEVANT
A l'île du Levant, Héliopolis propose à l'observateur les enseignements de son histoire et de son actualité.
Son histoire ? La décadence progressive d'une communauté naturiste. La pureté théorique des premiers temps s'est altérée dans la proportion où elle était trop rigoureuse, trop égocentrique, trop exclusive.
Son actualité ? La démonstration publique et manifeste que le naturisme ne peut être popularisé par la seule vertu du nu sectaire et soupçonneux ; qu'il a tout à gagner, au contraire, en sollicitant largement l'adhésion des amis de la nature et de la liberté.
Héliopolis a été un échec dans la mesure où les pionniers crurent naïvement qu'il leur était possible de vivre indépendamment du monde extérieur. Héliopolis est un succès dans la mesure où, chaque année, un fort courant de visiteurs de tous les pays, simplement désireux de connaître une terre où la nature se maintient dans la liberté, se mêle aux naturistes "historiques".
Certes, ce mélange est parfois troublé par la vulgarité de certains éléments, pour quelques-uns d'entre eux il serait sans doute nécessaire de se référer à la psychothérapie sexuelle, mais cela est d'une importance mineure, l'essentiel demeurant que la manière de vivre naturiste soit confrontée - sur le plan du réel - avec d'autres manières de vivre, au sein d'une communauté vivante, agitée, qui dépasse souvent deux mille âmes si l'on veut bien en prêter une à chaque corps.
On observe d'abord que pour des quantités de filles et de garçons : sportifs, culturistes, chasseurs au harpon, campeurs, ajistes, le nudisme constitue un comportement naturel. On constate ensuite la méfiance et l'ironie que manifestent ces nouveaux venus à l'égard des adjudants nudistes, du caporalisme végétarien ou diététique, des ruminations théoriques sur la levure de bière et de la cassonade. Ils se méfient des dogmatismes. Gayelord Hauser, c'est bien. Alexis Carrel, Alain Gerbault - ou Yves Le Toumelin - c'est mieux. La mouvement et la pensée naturistes ne s'enferment pas dans des pots e yaourt et dépassent la limite des champs d'épinards.
Notre mouvement ne progressera, le rayonnement de notre pensée ne s'accentuera que si nous jetons en avant ces mots-clés : nature et liberté, non pas des systèmes rétrécis.
Si chaque année des milliers de visiteurs se dirigent vers l'île du Levant, si des milliers d'autres, dans li monde entier, effectuent plus ou moins consciemment leur marche au soleil et au naturisme, ce n'est pas par passion militante pour les vitamines B1,B2, PP, E, A ou D, ni pour s'instruire des principes de la science mazdéenne ou du culte de Mithra. Les uns et les autres agissent par simple goût de la nature et de la vie libre.
Qu'on me comprenne bien. Je ne songe pas à nier l'intérêt de la cure végétale (je la pratique) ni même celui du culte solaire (il faut être curieux de toutes choses), mais ce sont là des problèmes subalternes alors que les problèmes qui s'articulent autour des mots nature et liberté retiennent l'attention du plus grand nombre.
Il faut choisir pour armes ces deux mots chargés de dynamisme et de pouvoir de séduction.
Ils permettent de déblayer l'amas des faux problèmes archaïques.
Ils élargissent nos perspectives.
Ils remettent à leur place les néo-spiritualismes plus ou moins puérils.
C'est à partir d'eux que peuvent être considérablement agrandies les positions du naturisme au sein d'une civilisation mécanique aux exigences de laquelle nous restons plus ou moins, qu'on le déplore ou non, assujettis.
à suivre...